~ RÉCITS  DE  VOYAGES ~

~ EN  CREUSE ~

 

 

 Le 12 juillet 1851.

 

                    Le samedi 12 juillet, je m'échappai sans rien dire à personne pour faire une nouvelle promenade : il était trois heures du soir.

Je suivis la route de Limoges jusqu'à la Croix des Bois à 4 kilomètres de Guéret : là je pris sur la gauche un chemin de traverse au milieu des bois dont l'ombrage me fut très agréable, le soleil dardait avec force ses brûlants rayons. La forêt franchie, Saint Christophe, pauvre hameau, se présenta à ma vue. Je voyagerai alors dans un pays peu fertile et très accidenté : au nord, les bois élevés de Chabrières et partout ailleurs des collines escarpées, des ravins profonds. Pays charmant pour le touriste auquel il présente de riches points de vue mais ingrat pour le laboureur qui en tire avec peine une nourriture peu abondante. Plus j'allais au midi, plus le pays devenait aride : à 5 heures, j'étais à Sardent, bourg de 30 maisons à peu près, situé sur une colline près d'un bois d'une vaste étendue et dominant de belles prairies. Devant son église qui est très pauvre, s'étend une place d'où l'on découvre un agréable coup d'oeil. La légende de Saint Pardoux y place le berceau de ce saint, protecteur de Guéret. Je ne fis que passer et j'avançais toujours dans un pays pittoresque : à 6 kilomètres de Sardent une demeure en construction frappe ma vue, ma mémoire me rappela alors l'habitation  Champême  dont on parle tant dans notre Creuse. Placée dans un site isolé et sauvage au pied de trois montagnes, cette construction n'offre de remarquable que les pierres dont elle est bâtie, le plan étant très ordinaire. Les sommes que l'on y dépense, employées à l'agriculture auraient un résultat infiniment plus utile !  De belles prairies s'étendent au midi et, en donnant aux eaux un cours mieux entendu, il serait facile à peu de frais de les agrandir beaucoup. J'examinai quelques temps ce coup d'oeil qui ne manque pas d'agrément et un quart d'heure après, j'étais à Pontarion.

Le Thaurion arrose ce bourg que traverse la route de Clermont à Limoges. Le pont sur lequel elle passe est formé d'une seule arche fort hardie. Après le pont, je vis l'ancien château dans une position escarpée et dont une partie est détruite : on y voit encore les fossés et la muraille d'enceinte.

 

 

De là, je me rendis à l'église, toute en pierre de taille, elle est haute et assez jolie : sa voûte menaçait ruine, il a fallu en abattre une partie ; ce qui reste montre qu'elle était hardie et élevée. L'église est formée d'un seul vaisseau  assez vaste, l'intérieur en est convenable et un bel autel orne le choeur. Pontarion, situé dans un vallon, est mal construit : ses maisons au nombre de 60 à peu de choses près, sont petites et construites avec peu de goût. J'en partis à la nuit tombante et une demi-heure après mon départ, j'étais à Saint Hilaire le Château dont le bon curé était loin de m'attendre. Après un gai souper, j'allai me mettre entre les bras du sommeil. Le lendemain, nous assitâmes à la Messe où se trouvaient seulement une vingtaine de personnes. Ce pays, fort irreligieux, se distingue en outre par les idées avancées de ses habitants dont la plupart émigrent dans les grandes villes et en rapportent, au sein de leurs montagnes, ces idées révolutionnaires.

Mais revenons à Saint Hilaire, c'est un joli bourg d'une trentaine de maisons, situé au confluent du Thaurion et du Gaûne, sa position est charmante. La route y est droite et les maisons y sont assez bien bâties. L'église est grande et tenue avec assez de soin. Nous nous promenâmes après la Messe. Vers midi, arrive un autre convive : monsieur le curé de Saint Georges la Pouge, homme gai et sociable, aussi le dîner fut-il très agréable et la soirée me parue bien rapide en une telle compagnie. Il m'invita avec son confrère à aller passer chez lui la journé du lendemain.

Le lundi, nous partîmes d'assez bonne heure pour la Pouge, hameau fort élevé  et de là à Saint Georges, fut pour nous l'affaire de quelques minutes. Il était alors 9 heures : Saint Georges, peu éloigné de la grand-route, est placé sur une colline élevée : il est de la grandeur de Saint Hilaire et est assez agréable. Le sol y est le plus fertile des environs. Les deux châteaux qu'il possédait autrefois ont été renversés par la première révolution. Son église, qui a la forme d'une croix grecque est petite et inachevée : ses lourds piliers, ses voûtes massives sont une preuve de son antiquité.

Avant le dîner notre hôte nous fit connaître Saint Georges : le coup d'oeil y est charmant ; à midi nous rentrâmes. Le dîner fut aussi gai qu'à Saint Hilaire. A trois heures, il fallut partir et malgré de pressantes instances pour me retenir jusqu'au lendemain, je dis adieu aux personnes qui m'avaient fait un accueil si cordial. Une heure après, j'étais à La Chappelle Saint Martial, joli village entouré d'une vaste prairie arrosée par un bel étang. Bientôt après, Lespinas me montra sa flèche coquette s'élançant d'un vallon riant et bien boisé. La pluie vint ensuite : je m'en défendis le mieux qu'il me fut possible jusqu'à Peyrabout, hameau très élevé où l'on jouit d'une des plus belles vues de notre Creuse. La pluie cessa et en suivant une route en spirale, je descendis à Sainte Feyre.

Sainte Feyre est un des plus jolis bourgs de notre Creuse. Le sol y est, pour les fruits, d'une fertilité remarquable : situé sur un plateau et entouré de riches prairies, une belle route le rend plus charmant encore. Son château, construction du règne de Louis XV est un vaste bâtiment carré à deux étages : devant la façade du midi s'étend une belle terrasse, au nord se trouve un riant bosquet d'où la vue se déroule sur le bassin de la Creuse et la chaîne des collines qui l'entoure. Les jardins parfaitement exposés sont beaux et productifs. Tout ce qui peut contribuer à rendre la vie agréable se trouve réuni dans cette demeure, aussi est-elle une des plus belles de notre Creuse. La famille qui l'habite est ancienne, une de nos illustrations, le cardinal de Maulmont est sorti de son sein. L'église de Sainte Feyre n'offre rien de remarquable à l'extérieur ; le dedans se compose d'une nef principale avec un bas côté à droite. Elle est propre et ornée avec goût.

Je ne m'y arrêtai point et une pluie battante me surprit en route. Enfin, luttant contre l'onde et la tempête, j'arrivai à Guéret à sept heures.

 

  

  Fin de cette promenade.

  

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